Sébastien Touzé, 8 septembre 2023, Discours d'Hommage au Président Jean-Paul Costa à la Représentation permanente de la France au Conseil de l'Europe

“Monsieur le Ministre,
Madame la Secrétaire générale,
Madame la Présidente,
Monsieur l’ambassadeur,
Mesdames et Messieurs les ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs,
Chère Brigitte,
Chers amis,

Monsieur l’Ambassadeur, permettez moi, avant toute chose de vous féliciter pour votre nomination et de vous souhaiter la bienvenue à Strasbourg. Je tiens également à vous remercier ainsi que Mme l’Ambassadrice Marie Fontanel, à l’origine de cette réception organisée en hommage au Président Jean-Paul Costa. C’est un plaisir de vous rencontrer et c’est un honneur de pouvoir prendre la parole aujourd’hui. Je ne vais pas répéter aujourd’hui ce que j’ai pu dire ou ce que d’autres ont pu, avec toujours beaucoup de respect et de reconnaissance, évoquer de la remarquable carrière de Jean-Paul Costa depuis cette triste journée d’avril dernier.

Je tiens juste, pour quelques minutes, à rappeler ce qu’était la vision de Jean-Paul et ce qu’il a mis en œuvre pour lui donner vie et la défendre.

Jean-Paul Costa était un homme de droit et de justice. Viscéralement attaché à la défense des libertés, il n’envisageait pas leur protection à travers le simple discours – comme beaucoup le font par facilité – mais a toujours eu à cœur de les promouvoir dans le cadre de l’action et du Droit. Une action concrète, tournée vers les autres et totalement imprégnée des valeurs humanistes qui l’animaient.

Cela s’est traduit, comme cela a été rappelé, dans ses fonctions au Conseil d’Etat mais, aussi et surtout, ici à Strasbourg à partir de 1998 lorsqu’il a rejoint la Cour européenne des droits de l’homme. Les 13 années passées dans cette magnifique juridiction ont été, de son aveu, les plus exigeantes de sa carrière car les plus intenses sur le plan intellectuel et humain. Cette expérience qui l’a conduit à la présidence de la Cour, il l’a partagée dans ce très bel ouvrage très justement intitulé « des Juges pour la liberté ». Dans ce témoignage est révélée, à chaque page, la volonté de Jean-Paul Costa lorsqu’il s’agissait de promouvoir cet idéal démocratique qui imprègne la Convention et, plus largement, le droit international des droits de l’homme.

Promouvoir l’idéal démocratique et les valeurs du Droit, cette ambition a nourri son action et l’a naturellement conduit, serais-je tenté de dire, sur les chemins de l’Institut international des droits de l’homme fondé par René Cassin en 1969. De son arrivée, en janvier 2012, à son départ, en 2022, j’ai eu le privilège de travailler à ses côtés et de partager avec lui, ce qui restera sans nul doute, les moments les plus forts et stimulants de ma carrière.

Marchant une nouvelle fois dans les pas de René Cassin avec une très grande fierté mais avec cette modestie qui le caractérisait, Jean-Paul Costa a assuré ses fonctions avec une profonde humanité et, surtout, avec un optimisme sans faille qui ont permis de développer de manière considérable les actions de cette institution strasbourgeoise malgré les aléas, les doutes et, parfois, les attaques. Car, au-delà de l’importante transformation institutionnelle qu’il a su mener avec succès après le président Jean Waline, c’est la volonté de diffusion des valeurs humanistes qui a continuellement animé son action au sein de la Fondation René Cassin.

Grâce à son impulsion, la Fondation a pu développer un programme de formation international majeur l’inscrivant comme l’acteur principal dans le domaine de l’enseignement des droits de l’homme dans le monde. Programme imaginé comme un instrument de diffusion des valeurs et principes défendus dans le cadre de la politique étrangère française, celui-ci implique, depuis son origine, l’ensemble des postes diplomatiques et repose sur une coopération nourrie avec le Ministère de l’Europe et des affaires étrangères et le Ministère de la Justice.

Après avoir diffusé cette idée, force de la diplomatie judiciaire à la Cour européenne, Jean-Paul Costa défendait ainsi une « diplomatie éducative » désormais devenue l’essence de la Fondation René Cassin et qu’il n’a cessé de nourrir grâce à ses liens particulièrement forts avec le monde académique pour lequel il avait un profond respect et une très grande estime. Il me l’a d’ailleurs souvent confié lorsqu’il franchissait les portes de l’Université pour venir, très fréquemment, à la rencontre de mes étudiants ou de ceux avec lesquels il aimait simplement échanger dans le cadre des activités de la Fondation Cassin.

Pour nourrir cette ambition de la transmission et de l’échange, Jean-Paul Costa, entouré d’une équipe fidèle, a ainsi permis, le déploiement de nombreuses actions de formation au Sénégal, au Mali, au Burkina Faso, au Mozambique, en Côte d’Ivoire, au Soudan, au Cameroun, en Tunisie, au Maroc, au Liban, au Pérou, en Argentine ou au Costa Rica pour ne citer que les actions les plus importantes.

Confirmant que le développement et la coopération doivent passer par l’éducation, seule à même de promouvoir objectivement les valeurs universelles, toutes ces actions perdurent à ce jour et, je l’espère, continueront à offrir au plus grand nombre d’étudiants, d’avocats ou de magistrats, un enseignement d’excellence dans le domaine des droits de l’homme et ce, quel que soit l’endroit du monde où ils vivent.

Dans quelques jours nous serons d’ailleurs à Dakar pour ouvrir la 14ème session pour laquelle il avait un attachement particulier et à l’occasion de laquelle il avait souligné, dans son discours d’ouverture en 2013, l’importance de la formation des jeunes et de la société civile dans la consolidation et la pérennité des institutions démocratiques. Discours qui reste ô combien d’actualité 10 ans plus tard…

Le niveau national n’a pas été délaissé car, en plus d’avoir initié un développement important de la session d’été de Strasbourg et d’avoir été moteur dans l’ouverture de la Fondation à travers des activités diversifiées : Clinique des droits de l’homme, Colloque annuel sur l’Etat de droit, Coopération avec l’Ecole nationale de la magistrature et plusieurs barreaux français…, Jean-Paul Costa a été un soutien important pour le Concours européen des droits de l’homme – René Cassin.

Très attaché à ce rendez-vous majeur de la Justice européenne qui offre, depuis plus de 35 ans, à la France, à la Cour, à Strasbourg et à la Région Grand Est un rayonnement international majeur, Jean-Paul Costa a été de tous les combats pour permettre à ce concours de se développer et de continuer à offrir cette formidable expérience juridique à des centaines d’étudiants venant, chaque année, du monde entier, ici, à Strasbourg.

Il m’avait d’ailleurs avoué, après une des dernières éditions à laquelle il participait comme membre du jury de finale, que ce concours offrait bien plus que les enseignements universitaires sur le droit de la Convention et était à ses yeux la plus belle preuve de l’existence, au sein de la jeunesse étudiante, d’un véritable esprit des droits et des libertés qu’il fallait défendre.

Dans une période où les pertes de repères et la confusion de valeurs se multiplient en Europe et dans le monde, ces actions étaient ainsi pour lui essentielles voir vitales.

La promotion et la défense de cet esprit des droits et des libertés c’est ce qui comptait ainsi le plus à ses yeux. Attaché au rôle essentiel de la Justice et des principes de l’Etat de droit pour sa défense, Jean-Paul Costa a su, à chaque moment de sa vie, dans chacune de ses fonctions, à Strasbourg ou ailleurs, montrer que ce combat pour des valeurs devait être mené avec conviction, avec abnégation et, surtout, sans aucune compromission.

Si je ne devais retenir qu’une chose de lui c’est, au-delà de sa profonde humanité, cette volonté inébranlable qu’il a su transmettre à celles et ceux qui ont, comme moi, eu le privilège de l’accompagner pour défendre ce en quoi il croyait.

Poursuivons ainsi ce que Jean-Paul a construit et ayons la même détermination pour faire que la protection des droits, des libertés, de la démocratie et de l’Etat de droit restent au cœur de notre action et de celles de nos institutions.

C’est ce qu’il aurait sans nul doute souhaité nous voir faire, comme lui, avec passion et humanité.

Je vous remercie de votre attention.”

Sébastien Touzé
Directeur de la Fondation René Cassin – Institut international des droits de l’homme

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