Disparition de Régis de Gouttes

La disparition de Régis de Gouttes, survenue le 15 février 2024, est une nouvelle perte pour la Fondation René Cassin. C’était pour nous un ami fidèle et attachant, toujours disponible, bienveillant, chaleureux et avisé, d’une élégante discrétion et d’une discrète élégance. Après avoir été longtemps membre de l’Institut international des droits de l’homme il avait accepté de faire partie du Comité d’honneur de notre Fondation.

Né en 1940 à Palleville, dans le Tarn, au cœur du Lauragais, il avait des études de droit et de sciences politiques à Toulouse, avant de sortir major du Centre national d’études judiciaires de Bordeaux, l’ancêtre de l’ENM. Il avait poursuivi une belle carrière de haut magistrat, alternant responsabilités à la Chancellerie et détachements au Quai d’Orsay, jusqu’à sa nomination comme avocat général à la Cour de Paris puis comme Premier avocat général de la Cour de Cassation à compter de 2000, à la suite de Louis Joinet. Dans ce poste qui était encore « unique », il eut à rendre des conclusions dans des affaires sensibles comme le statut pénal du chef de l’Etat. De même il n’hésita pas à prendre publiquement position avec le Président André Braunschweig pour déplorer la jurisprudence de la Cour de cassation qui dans un premier temps avait dénié le caractère d’application directe de la Convention internationale des droits de l’enfant. Il contribua très activement à la prise en compte du droit international et notamment de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme par la Cour de cassation, ne cessant de contribuer au dialogue des juges, et plus généralement à la formation et à l’information du monde judiciaire, avec des analyses très fines sur « le juge français et la Convention européenne des droits de l’homme : avancées et résistance » (RTDH,1995/605).

C’est comme directeur-adjoint à la direction des affaires juridiques du Ministère des affaires étrangères de 1985 à 1989, qu’il fit ses premiers pas à Strasbourg, plaidant plusieurs affaires au nom de la France devant la Commission des droits de l’homme, siégeant au Comité directeur des politiques criminelles (CD-PC) et au Comité directeur des droits de l’homme (CD-DH) qu’il devait présider en 1995-1996, à une période cruciale marquant la genèse du Protocole n°11 à la Convention. Par l’âge et l’expérience, il était le candidat naturel de la Cour de cassation pour les élections à la nouvelle Cour des droits de l’homme en 1998, surmontant sa déconvenue avec beaucoup de courtoisie et saluant « son grand ami Jean-Paul Costa » à de nombreuses occasions, notamment lors de la publication des Mélanges en l’honneur de Jean-Paul Costa (Dalloz 2011).

En 1990, Régis de Gouttes avait été élu membre du Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD), assumant ces fonctions jusqu’en 2014, avec une grande attention aux autres, dressant le bilan de son expérience dans une étude très substantielle sous le titre « Regards portés sur vingt-cinq années passées au CERD » (Droit fondamentaux n°15, 2013). Cet engagement international trouva son prolongement avec sa participation comme expert aux travaux de la CNCDH jusqu’en 2018, où il présida la sous-commission sur la lutte contre le racisme et contribuant grandement aux travaux de la sous-commission questions européennes et internationales, siégeant également au conseil scientifique de la HALDE. En 2014, il revint à Strasbourg comme membre français de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) du Conseil de l’Europe, avec la même force de conviction, dressant encore récemment un parallèle entre ses expériences internationales, avec des regards comparatifs sur le CERD et l’ECRI » (RTDH 2020/629).

Dans toutes ces fonctions les plus diverses, exercées avec intégrité, rigueur juridique et prudence diplomatique, il avait acquis une grande influence morale, suscitant l’amitié et le respect de tous.

La Fondation René Cassin adresse à son épouse et à ses enfants ses sincères condoléances         

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