Le 7 Novembre 2024, la Fondation René Cassin a eu le plaisir de prendre part au Conseil de l’Europe au « Forum Talk n°10″ du Forum mondial de la démocratie co-organisé avec le Ministère de l’Europe et des affaires étrangères français, la Représentation permanente de la France auprès du Conseil de l’Europe et le Conseil de l’Europe. Cette table ronde a eu pour but de relier les défis des élections à la perspective des droits de l’homme à travers des mises en contexte d’actualité, des exemples et des recommandations. Elle a été modérée par le Sénateur du Bas-Rhin Claude Kern et composée de Monsieur Emmanuel Decaux, Président de la Fondation René Cassin, Madame Joëlle Coureau, Cheffe de pôle droits, réforme de l’Etat et fragilités au Ministère de l’Europe et des affaires étrangères, Monsieur Massimo Tommasoli, Observateur permanent de l’Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale (International IDEA) auprès des Nations unies, et Madame Cécile Goubault-Larrecq, doctorante en droit international à l’Université de Paris-Panthéon-Assas.
Le lien entre les élections et les droits de l’homme est bien établi, les mécanismes de droit international public existants établissant le droit de participer à des élections périodiques et sincères . La tenue d’élections transparentes et régulières ne suffit pas à créer une société pacifique qui respecte les droits de l’homme. Un certain nombre de droits préalables sont nécessaires à la réalisation et au maintien d’un processus électoral inclusif et significatif : notamment le droit à l’égalité, à la non-discrimination, à la liberté d’opinion et d’expression, à la liberté d’association et de réunion pacifique, et à la liberté de mouvement.
En outre, le respect d’autres droits fondamentaux est nécessaire, notamment le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité (article 3 de la déclaration Universelle des droits de l’Homme), afin que les personnes puissent exercer sereinement leurs droits en tant que citoyens en dépassant les questions de survie. Cela est particulièrement important pour les défenseurs des droits de l’homme, les journalistes et les opposants politiques, qui sont au cœur de la démocratie et dont le droit à la sécurité est souvent menacé (Rapport annuel de l’Union Européenne sur les droits de l’homme et la démocratie dans le monde, 2022). Si elles sont bien conçues, les normes mondiales peuvent aider les défenseurs de la démocratie sur le terrain en établissant des critères de référence et en obligeant les responsables politiques à rendre compte de la réalisation de ces droits.
Le monde change – et les normes mondiales existantes en matière d’élections n’ont pas nécessairement suivi le rythme. Comme l’indique le rapport Global State of Democracy 2023 d’International IDEA, plus de la moitié des pays ont vu leur situation se dégrader dans au moins un indicateur de démocratie au cours des dernières années. Et, comme l’a établi un récent rapport de recherche sur l’efficacité de l’assistance électorale (Rapport EBA 2021), les normes mondiales sont en train de glisser derrière la réalité et les défis de l’organisation des élections, et en particulier, les droits politiques des candidats et des électeurs. Cette situation est très préoccupante, car la démocratie en tant que forme de gouvernement est une référence universelle pour la protection des droits de l’homme, et lorsque la démocratie recule, la garantie des droits et libertés fondamentaux est affaiblie (HCDH, 2024).
Les élections peuvent avoir des objectifs et des conséquences multiples – elles peuvent rassembler ou diviser ; elles peuvent offrir une ouverture démocratique ou légitimer un processus non démocratique et amener des autocrates au pouvoir. En effet, selon le rapport annuel de l’Institut V-Dem de l’Université de Göteborg, qui évalue la qualité des démocraties dans le monde, 5,7 milliards de personnes, soit 71% de la population mondiale, vivent aujourd’hui dans des autocraties, ce qui représente une augmentation de 48% par rapport à il y a dix ans.
À cet égard, le défi de la lutte contre le discours de haine prend des proportions considérables pour nos sociétés démocratiques contemporaines. Il alimente les divisions, affecte la participation et l’inclusion de tous ceux qui en sont la cible. Historiquement, le discours de haine a été utilisé intentionnellement pour mobiliser des groupes et des communautés les uns contre les autres, provoquant une montée de la violence, des crimes de haine ou, dans les cas les plus extrêmes, des guerres et des génocides. Ils deviennent également de plus en plus de véritables armes de déstabilisation dans les contextes électoraux.
La garantie que les processus électoraux reste au service d’une démocratie inclusive dépend d’une gamme complète de mécanismes et d’acteurs : des mécanismes de régulation (notamment à l’ère des nouveaux médias sociaux) et de responsabilité, des fonctionnaires aux élections et des défenseurs des droits humains. Sur le terrain, des individus et des organisations courageux défendent les idées d’inclusion et de cohésion sociales. Si le soutien « traditionnel » à la démocratie par le biais de mécanismes bilatéraux n’est pas possible ou approprié en cas de recul, il existe des moyens novateurs de créer des espaces transnationaux dans lesquels les organisations et les individus nationaux peuvent s’appuyer.
Ce panel a été ainsi l’occasion d’aborder trois axes majeurs:
- Comment lutter contre les discours de haine et remédier aux divisions communautaires qui pourraient autrement se manifester sous forme de violence électorale ?
- Comment renforcer les normes et les pratiques mondiales pour la protection de la démocratie électorale face au retour en arrière ?
- Quelles sont les approches novatrices et fondées sur les droits de l’homme en matière de démocratie et de soutien électoral dans un monde en mutation ?
Pour suivre l’intégralité des débats, nous vous invitons à consulter l’enregistrement des discussions sur la page dédiée au Forum mondial de la démocratie du Conseil de l’Europe: https://www.coe.int/fr/web/world-forum-democracy/forum-talk-10-protecting-the-integrity-of-elections-means-protecting-human-rights .
Si ce sujet vous intéresse, la Fondation René Cassin organise diverses initiatives et formations sur le sujet:
- La 3e édition du Programme des Chaires d’excellence René Cassin sur la thématique « Processus électoraux, droits et libertés »: https://iidh.org/autres-actions/chaires-dexcellence/
- La 15e Session de formation de Dakar ayant eu lieu du 16 au 27 septembre 2024 sur le thème « Élections et droit international des droits de l’homme ».